Chef de pôle « psychiatrie générale », trésorier du SPH
Chef de pôle « psychiatrie générale » au sein du Centre hospitalier du Vinatier, près de Lyon, Dr. Pierre-François Godet est également trésorier du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux. Il défend sans concession le service public hospitalier, la place des syndicats, la formation et une certaine forme de bon sens pour améliorer les conditions du travail et le management…
Qu’est-ce que le SPH ?
C’est le principal syndicat représentant les psychiatres de service public. Il regroupe aujourd’hui environ 20% des psychiatres hospitaliers ou assimilés, ce qui a beaucoup changé depuis plusieurs décennies. Pendant longtemps, les psychiatres hospitaliers étaient nommés par une commission paritaire, composée notamment de praticiens élus, à travers les syndicats. La plupart des psychiatres étaient alors syndiqués car il était préférable d’être soutenu pour obtenir un poste. Puis le système de nomination a changé, désormais sous la responsabilité du Ministère de la Santé. Cela a eu un impact évident sur les adhésions mais aussi sur la mission des différents syndicats, comme le nôtre, désormais essentiellement axée sur la défense des intérêts catégoriels et de la discipline dans son ensemble.
Quelles sont ces missions justement ?
De façon générale, en tant que syndicat, on défend la profession et notre mode d’exercice, dans un contexte globalement très hostile puisque la médecine publique est de plus en plus délaissée. C’est particulièrement vrai pour la psychiatrie, qui reste une discipline « humaine », par définition onéreuse, avec laquelle la logique d’économies et de rationalisation n’est pas compatible : pour vous donner une idée, 85 % des charges d’un hôpital psychiatrique vient en moyenne des dépenses de personnel, contre 70 % dans un hôpital général ! On milite justement, vu le nombre de postes vacants, pour l’augmentation des salaires, car c’est le seul moyen de redevenir attractif. On ne va pas se mentir : les praticiens font partie des catégories privilégiées par rapport à la population générale, mais on ne peut pas non plus nier que nous évoluons dans une économie de marché, un système concurrentiel, où les collègues sont mieux payés et ont moins de pénibilité dans le privé, que ce soit en clinique ou en cabinet…
Quelles actions menez-vous auprès de vos adhérents ?
On intervient sur plusieurs champs. D’abord, un travail d’information en direction des collègues qui ne sont généralement pas très bien informés sur leurs statuts, et donc sur leurs droits. Ensuite, on a un rôle d’intervention ponctuelle lorsqu’on est sollicité pour défendre un adhérent, sur une problématique statutaire, ou l’exercice de la discipline, dans son ensemble, lorsqu’il s’agit par exemple de contester un texte par voie judiciaire. Enfin, on a une mission d’écoute et d’étude de la situation des psychiatres de service public, notamment à travers des sondages. On en a produit une, récemment, sur le sujet de l’isolement et de la contention. Et une autre, qui vient de se terminer, sur la pénibilité et l’attractivité de la profession. L’objectif était d’interroger les psychiatres d’exercice public sur leur situation professionnelle, à travers des critères objectifs (sexe, âge, environnement, activité principale, nature de l’établissement, etc.) et d’autres sujets de l’ordre du ressenti. On leur a par exemple demandé d’exprimer leurs motifs de plaisir dans le travail ou leurs principales sources de reconnaissance…
« Quand quelqu’un a une rechute de son cancer, il en veut à son cancer ou à ses habitudes de vie, mais pas à son cancérologue. Mais quand un patient présente une rechute sévère de sa psychose, il croit plus à sa psychose qu’en son psychiatre… »
Est-ce que la psychiatrie est une spécialité particulièrement exposée aux risques psychosociaux ?
Oui et non. D’un côté, c’est une discipline qui reste très axée sur l’humain et la relation, donc je dirais que nous sommes encore un peu épargnés. Par contre, il y a aussi des risques, au sens propre, en particulier dans la psychiatrie de secteur avec les soins sans consentement. Comme on a des patients qui ne sont souvent pas conscients de leur maladie et qui évoluent, à l’image de la société, vers une forme d’intolérance croissante à la frustration, les psychiatres sont globalement plus exposés à leur vindicte ou à celles de leurs proches. C’est usant et c’est un facteur de risques particulier que l’on retrouve également dans d’autres spécialités, comme les urgentistes. C’est valable aussi pour le suivi. Quand quelqu’un a une rechute de son cancer, il en veut à son cancer ou à ses habitudes de vie, mais pas à son cancérologue. Mais quand un patient présente une rechute sévère de sa psychose, il croit plus à sa psychose qu’en son psychiatre…
Quel est votre regard syndical, plus général, sur ces risques à l’hôpital ?
De façon plus générale, concernant la médecine publique, je pense que l’hôpital est vraiment malade dans son mode de management. Il y a vraiment des problématiques structurelles que l’on retrouve, dès les études de médecine, à travers une logique d’écrasement et de souffrance, comme si c’était la clé de la réussite au détriment de l’esprit d’équité, de solidarité, de… service public ! J’ai souvent coutume de dire qu’on a tendance à prendre le pire de la culture latine (la logique de gladiateur, combattre et souffrir) mais aussi le pire de la culture anglo-saxonne, avec une logique économique et néo-libérale complètement inadaptée au fonctionnement d’un service public hospitalier. Ça créé de la souffrance et de l’incompréhension.
L’enjeu du management est fondamental, mais il faut y consacrer beaucoup de temps et être très lisible auprès des personnes concernées. En tant que chef de pôle, par exemple, j’essaye de préserver de l’équité. Par exemple, dans le pôle, nous avons mis en place une « grille de pénibilité », connue de tous, liée aux matinées de permanence médicale les samedis dimanches et jours fériés.. Quand quelqu’un va travailler un dimanche de week-end prolongé, on va compter 3 points ; ce sera 1 point pour un samedi « ordinaire », etc. Chacun a accès à un tableur où il peut voir toutes ces informations et faire des simulations sur sa propre pénibilité.
« L’idée, c’est de réintroduire de l’équité, de la transparence, des outils de partage et d’échanges. Il faut s’en donner les moyens, car cela prend du temps. C’est toujours perfectible mais je préfère largement cette démarche à d’autres logiques, basées sur celui qui parle le plus fort ou celui qui est le plus ancien… »