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Paroles

Mickaël Worms-Ehrminger

Enseignant, chercheur, auteur et créateur du podcast « Les Maux Bleus »

Enseignant, chercheur et auteur, Dr. Mickael Worms-Ehrminger se distingue par ses engagements pour la sensibilisation autour des questions de santé mentale et des troubles psychiques. Créateur du Podcast « Les Maux Bleus », il s’efforce de briser les tabous entourant ces sujets…

Quel est votre parcours ?

Je suis le Dr. Mickael Worms-Ehrminger, enseignant et chercheur en santé publique et recherche clinique avec un fort accent sur les questions de psychiatrie. J’ai en parallèle une activité de vulgarisation autour des troubles psychiques, notamment par le biais d’un podcast Les Maux Bleus.

Comment en êtes-vous arrivé à travailler sur le sujet de la santé mentale ?

Mon histoire personnelle a fait que j’ai été sensibilisé très tôt aux enjeux psychiatriques. J’ai fini par m’y intéresser à un point que j’ai décidé d’en faire mon activité quotidienne. En m’engageant dans la recherche et la vulgarisation, j’essaie d’avoir un impact positif auprès de divers publics, en apportant mon regard hybride, professionnel et expérientiel.

Comment percevez-vous, de nos jours, la sensibilisation à la santé mentale au sein de la communauté médicale ?

La communauté médicale est diverse, à l’instar des pratiques et des approches. Les psychiatres y sont forcément sensibilisés par leur spécialité, mais j’ai également le sentiment que la souffrance psychique trouve sa place de plus en plus fréquemment dans les consultations d’autres spécialités. Cela dit, on sait que dans 70% des cas, le premier recours pour faire face à une dégradation de sa santé mentale reste le médecin généraliste. Or, on sait également que le temps des médecins généralistes est rare et précieux au vu des besoins des populations et des problèmes de démographie médicale. Par conséquence, le temps long nécessaire à la prise en charge des troubles psychiques peut être très difficile à dégager dans ce cadre. Mais on sent un mouvement allant dans le bon sens, même si le passage à l’action peut être freiné par de nombreuses barrières.

« J’ai également le sentiment que la souffrance psychique trouve sa place de plus en plus fréquemment dans les consultations d’autres spécialités. »

Quelles initiatives pourraient être mises en place pour améliorer la sensibilisation à la santé mentale parmi les praticiens hospitaliers ?

Premièrement, permettre aux personnels soignants hospitaliers de faire leur travail dignement est un prérequis indispensable ! La perte de sens, le sentiment d’impuissance, l’épuisement sont des réalités de nombreux hospitaliers. Il me semble difficile dans ce cadre de mettre en place des interventions spécifiques à l’hôpital, en ce qu’elles concernent toutes les professions du corps soignant — et au-delà. Il faut également que ces interventions soient acceptables et faisables, sans être contraignantes ou ennuyeuses. Avec notre podcast Les Maux Bleus, nous avons un large public de professionnels. Nous sommes actuellement en train d’évaluer l’impact que l’écoute des Maux Bleus a en termes de représentations et de pratiques, et les premiers résultats sont très encourageants. Par exemple, plus de 80% des professionnels ayant répondu rapportent avoir changé leurs pratiques, développé leur empathie, ou encore avoir appris de nouveaux éléments de compréhension des troubles psychiques et des patients. Il existe une littérature scientifique encore balbutiante mais émergente sur l’intérêt d’utiliser les nouveaux supports média pour faire entrer ces sujets dans le quotidien de manière non contraignante et flexible ; les podcast, par exemple, semblent être un medium acceptable et accepté.

« La perte de sens, le sentiment d’impuissance, l’épuisement sont des réalités de nombreux hospitaliers. »

Dans quelle mesure le fait d’appartenir à la communauté scientifique et médicale impacte-t-il votre propre perception de votre santé mentale ?

Ayant toujours été sensibilisé à ce sujet par mon parcours et mon histoire personnelle, je n’ai pas spécialement modifié la perception de ma santé mentale. Ceci dit, travailler sur ce sujet au quotidien m’a beaucoup aidé à réfléchir à l’expérience de la maladie, à la souffrance, aux relations soignant-soigné, entre autres. Je développe donc plutôt une nouvelle philosophie de la santé mentale en me nourrissant d’auteurs tels que Claire Marin, Frédéric Worms, Paul Ricœur, etc. J’ai également pu prendre conscience de l’ubiquité de la souffrance psychique dans les milieux scientifiques et médicaux. Les conditions de travail dans de nombreux hôpitaux ou institutions de recherche provoquent beaucoup de souffrance dont tout le monde se passerait. Malheureusement, cela contribue aussi à la perte d’attractivité des carrières hospitalières et universitaires, amplifiant le manque de personnel et accroissant de ce fait la charge pesant sur celles et ceux qui restent. Le problème est systémique…

« J’ai également pu prendre conscience de l’ubiquité de la souffrance psychique dans les milieux scientifiques et médicaux. Les conditions de travail dans de nombreux hôpitaux ou institutions de recherche provoquent beaucoup de souffrance dont tout le monde se passerait. »